Une idylle qui a commencé en 2020, qui bascule après un an dans le pire des cauchemars. Changement de décor auquel sont gravées la hantise et l’errance d’une jeune femme condamnée à fuir la mort qui la traque depuis des mois. Les tourments d’Agathe Nathalie Effombo Ounouck (ANEO), mère de 2 enfants et en service dans une entreprise siègant à Limbé, commence lorsqu’elle rencontre Julio Tendong. Un Apollon de 50 ans, anglophone séducteur et avenant dans le modèle du gendre idéal sorti d’un film de Bollywood. Une idylle à l’eau de rose dans laquelle ANEO va plonger pieds et mains liés. « Il résidait à Douala. Tout se passait bien ; nous vivions le parfait amour », relate – t – elle, la mémoire encore saturée de ces week-ends et semaines qu’elle a passé vautrée dans les bras de ce tourtereau aux dehors si convenables.
La rencontre, qui a lieu en 2020, est un océan de bonheur dans les profondeurs duquel Julio Tendong trempe sa compagne. Le cliché d’une vie idéale que lui envient ses amis, sauf un de la bouche de qui sortiront les premières inquiétudes. « Un soir, en compagnie de mon copain d’alors, il m’a demandé si je le connaissais vraiment ». La question a de quoi surprendre Agathe Nathalie Effombo Ounouck, familière des week-ends et de quelques semaines entières plus prolongées, d’un homme qui, depuis plus d’un an, coche toutes les bonnes cases d’une relation qui vole très haut. « Cet ami m’a avisé de faire un peu plus attention, m’apprenant que mon soi-disant copain avait des fréquentations peu recommandables », poursuit – elle. Des propos qui ont suffi à l’alerter sur Julio Tendong dans les bagages de qui sont tassés des objets à tout le moins étranges. Des drapeaux des séparatistes ambazoniens, des couteaux, ce pistolet automatique qu’elle va surprendre au détour d’une fouille minutieuse dans un de ses sacs…Une découverte des plus effarantes et qui ramène à la surface de ses souvenirs ces nombreuses autres curiosités restées sans explications véritables. « Jamais je n’ai pu l’appeler directement. Il m’avait prévenu qu’il travaillait beaucoup. C’est lui qui m’appelait très souvent et avec des numéros différents ; donc difficilement identifiables », relate ANEO. C’est encore Julio Tendong qui décidait toujours des lieux de leurs rencontres en plus des multiples interdictions auxquelles il astreignait sa compagne. Les câlins, cadeaux et autres gestes affectueux ont eu raison de la vigilance d’ANEO, amadouée par un Don Juan rompu à l’art de la séduction. « Moi, j’adhérai seulement », confesse Agathe Nathalie Effombo Ounouck.
Le début du cauchemar
La peur commence donc à gagner l’esprit d’ANEO, résolue désormais à poser certaines questions à ce Julio Tendong qui semble ne pas dire toute la vérité à son sujet. Sa copine veut en savoir davantage sur cet homme enclin au mystère, qui ne parle jamais de son travail et dont les bagages dissimulent des secrets troublants. Un acharnement à découvrir la vérité qui lui ouvrira plutôt les portes d’un enfer qu’elle vit jusqu’à présent. « Le 3 mars 2021, il m’invita au lieu habituel de notre rencontre sous le prétexte qu’il avait des choses importantes à me dire ». Un rendez-vous comme il y en a toujours eu depuis que dure cette relation.
De Yaoundé où elle embarque jusqu’à Douala le 03 mars 2021 où l’attend Julio Tendong, ANEO ne se doute pas de la tournure que va prendre son obstination à lever le voile sur les non-dits qui cernent l’existence de son conjoint. « A mon arrivée, je le trouve en compagnie de personnes que je ne connaissais pas. 5 minutes après m’être installé, il m’a fait savoir qu’il a découvert que j’ai fouillé dans ses effets », relate Agathe Nathalie Effombo Ounouck, qui a immédiatement rejeté cette accusation, toujours en présence d’un auditoire qui a toute son attention braquée sur elle. La scène, inspirée d’une audience au tribunal avec une accusée à la barre et des inquisiteurs au regard assassin, se déroule dans le salon d’un domicile privé, loin de la bruyance en circulation dans la rue voisine. Les échos de la violence qui doit s’abattre sur ANEO dans les minutes suivantes ne sortiront donc pas de ces murs feutrés. « Il s’est mis en colère et a commencé par lever la voix avant de m’assener des coups de poings. Je l’ai supplié de me laisser, ce qu’il a refusé de faire ». Livrée des minutes après à ses acolytes après avoir été bâillonnée et ligotée des pieds et des mains, Agathe Nathalie Effombo Ounouck a subi le supplice de ces tortionnaires qui entrecoupaient leur torture de questions. « Ils me demandaient ce que je savais en même temps qu’ils m’aspergeaient un liquide douloureux sur les pieds ». Des tourments auxquels s’ajoutent des viols à répétition et dont elle se souviendra trois jours plus tard à son réveil dans un hôpital, le corps tuméfié et des bandages aux pieds. « Les médecins m’ont appris que c’est l’acide qui m’avait été aspergé aux pieds ». Pourquoi n’avoir pas contacté la police comme lui avaient suggéré ses médecins ? Bien que consciente du danger auquel sa vie était désormais exposée, dénoncer son bourreau et ses sous-fifres constituait aussi un risque qu’elle a préféré ne pas prendre. « Il m’avait promis que si je le dénonce, il deviendra très méchant et me fera souffrir en s’attaquant à moi et à ma famille », nous explique ANEO.
Au terme des 5 mois de traitement qui permirent à la suppliciée de Julio Tendong de se remettre de ses brûlures, la mort qui plane au-dessus de sa tête ne s’est pas estompée pour autant. « Ayant appris que l’agonie dans laquelle il m’avait plongé ne m’a pas finalement emporté, il est revenu à la charge en me promettant la mort ainsi qu’aux miens ». Menaces qu’il fini par mettre à exécution en ordonnant l’agression ayant causé la mort de son père ainsi que de ses frères en 2022.
Depuis lors, la vie d’ANEO autant que celle de ses enfants sont vouées à une errance qui les conduit aux quatre coins du Cameroun. Traquée comme un gibier, elle a été contrainte d’abandonner son lieu de travail, consciente que la main criminelle de Julio Tendong ouvre toutes les portes et inflige la mort à quiconque s’en approche. « Jusqu’à ce jour, je continue à subir des menaces. Je suis obligée de fuir, de vivre en nomade. Je crains pour ma vie, pour mes enfants », dépeint- elle. La violence à laquelle Julio Tendong a souscrit dans ce séparatisme dont il est l’un des bras armés dans les régions en crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ne l’a pas pour autant dissuadé d’envisager une vie de couple avec Agathe Nathalie Effombo Ounouck, cette prise de guerre qu’il refuse de laisser sur le bas-côté de sa vie d’assassin de grand chemin. « Parce qu’il veut faire de moi sa captive, un bien qu’il peut contrôler et dont il est sûr de la soumission. Voilà pourquoi il me persécute avec autant d’entrain depuis des mois », ponctue-t-elle.
Agathe Nathalie Effombo Ounouck est donc le cas pratique de ces oubliés d’une guerre qui s’exporte et afflige tant de personnes, victimes collatérales d’un conflit qui ne cible que les plus faibles de la société. Personne ordinaire et sans histoire, elle se retrouve, comme le sont tant d’autres dans cette partie du Cameroun ou en dehors, dans le viseur de spadassins qui répandent la destruction et désignent des tuables qu’ils conduisent à la potence, sans le moindre sourcillement de l’Etat de droit. La crainte du gendarme ne semble plus être le commencement de la sagesse…