Face à l’absence prolongée de leur président nonagénaire, qui aurait disparu des radars, de nombreux Camerounais s’interrogent. En effet, Paul Biya est absent du Cameroun depuis plus d’un mois, et sa dernière apparition publique remonte au 4e sommet du Forum sur la coopération sino-africaine, qui s’est tenu du 4 au 6 septembre 2024.
À l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, et même au dernier sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui s’est tenu du 4 au 5 octobre en France, le président était aux abonnés absents.
Le lieu exact où se trouve le chef de l’État camerounais restait alors jusqu’à hier un mystère. Malgré la pression exercée par la classe politique et la diaspora pour percer ce secret si bien gardé, rien ne filtrait. Et les supputations allaient alors bon train, notamment sur les réseaux sociaux, où on le situait tantôt en Suisse, tantôt dans un mauvais état dans un hôpital en France.
On le sait. Au Cameroun, il n’y a aucune transparence autour de l’état de santé du président de 91 ans, habitué à faire de longues absences hors du pays. Et les Camerounais semblaient s’en accommoder. Mais, depuis quelque temps, de folles rumeurs, des plus alarmistes, prennent de plus en plus d’ampleur sur le continent, bien que des sources officielles tentent de tempérer les choses en relevant que le président serait “au repos”.
Une sortie qui, visiblement, ne satisfait pas l’opposition, qui demande des clarifications sur l’état de santé du président aux quatre décennies de règne.
Il n’en a pas fallu plus pour que le parti de Paul Biya, le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), réagisse aussitôt. Ainsi, pour Jacques Fame Ndongo, le secrétaire à la communication et membre du bureau politique du parti, “il s’agit d’une nouvelle dénuée de tout fondement”.
Dans un communiqué rendu public le soir du 8 octobre, le ministre de l’Enseignement supérieur a réagi au nom du gouvernement, affirmant que “le chef de l’État se porte bien et rejoindra le Cameroun dans les prochains jours”.
Une communication complétée par le directeur Cabinet civil de la présidence de la République, Samuel Mvondo Ayolo et le Porte-parole du gouvernement, René Emmanuel Sadi :
« Le Cabinet civil de la présidence de la République tient à rassurer tous nos compatriotes ainsi que la communauté internationale sur l’excellent état de santé d chef de l’Etat qui travaille et vaque à ses occupations à Genève d’où il n’est jamais parti depuis son arrivée en provenance de Beijing ». Le président de la République a quitté la République populaire de Chine le 8 septembre dernier. Il y a pris part au sommet de la coopération Chine-Afrique. Un mois après, le chef de l’Etat n’a pas donné de ses nouvelles. D’où les spéculations et rumeurs à quelques mois de l’élection présidentielle.
Pour sa part, « le gouvernement de la République affirme sans ambages que ces rumeurs relèvent du fantasme et de la pure imagination de leurs auteurs et entend ici y apporter un démenti formel (…) Le gouvernement tient à faire savoir qu’au lendemain du sommet Chine-Afrique auquel il a pris une part active, le chef de l’Etat s’est accordé un bref séjour privé en Europe. Pour autant, il demeure, comme de coutume, et où qu’il se trouve, attentif à l’évolution de la vie nationale ». Ainsi, le Porte-parole du gouvernement, le ministre de la Communication René Emmanuel Sadi va plus loin. « Le chef de l’Etat se porte bien et rejoindra le Cameroun dans les tout prochains jours ».
Velléités dynastiques
Mais pourquoi s’intéresse-t-on subitement à l’état de santé du président Paul Biya ? D’où viennent toutes ces rumeurs qui annoncent, pour certaines, le pire ? Une partie de l’opinion publique surtout au sein de la classe politique de l’opposions, pense que le chef de l’etat est dans un etat critique et que si le pouvoir de Yaoundé a autant garder le silence autour d’une question aussi importante, c’est sans doute qu’il y a des choses qu’on cache. Surtout qu’il est de coutume, en Afrique, de ne pas annoncer la mort d’un roi aux premiers moments.
On prend le soin de mettre un voile sur sa disparition, le temps de préparer sa succession avant de rendre publique la mauvaise nouvelle. Pensent une frange de l’opinion nationale et même internationale. Serait-on en train de préparer l’après-pouvoir du successeur d’Ahmadou Ahidjo [premier président de la République du Cameroun indépendant, de 1960 à 1982] ? La question est d’autant plus fondée qu’au Cameroun on suspecte le président Biya de velléités de pouvoir dynastique.
Pour beaucoup, le vieux nourrit le secret espoir de voir son fils Franck Biya lui succéder. En tous les cas, durant les 42 ans de règne, Paul Biya est parfois resté à l’étranger si longtemps que parfois, on l’a annoncé mort, et coup de théâtre, il est réapparu in extremis.
Une fois en 2004, dans un autre cas de supputations sur son décès, il a répondu à sa descente d’avion à la télévision nationale : « Ceux qui s’intéressent à mes obsèques, je leur donne rendez-vous dans une vingtaine d’années« .