Arrêté en 2013 suite à des soupçons de « contrebande », il a été libéré le 26 février 2023 et autorisé à retrouver sa famille à Hong-Kong. Son activité d’éditeur, par contre, reste dans le viseur des hommes forts de Pékin.
Condamné en avril 2014 par un tribunal de Shenzhen pour « contrebande de biens communs », Yao Wentian, 83 ans, était derrière les barreaux depuis son interpellation, en octobre 2013. Il n’aura bénéficié que d’une seule remise de peine, de 8 mois, pour bonne conduite, et a ainsi réalisé la quasi-totalité de sa sentence, soit 10 années de prison.
Libéré le 26 février, il a retrouvé sa famille le lendemain. D’après l’organisation à but non lucratif Dui Hua, qui milite pour le respect des droits de l’homme en Chine, les demandes de libération de l’éditeur, motivées par des problèmes de santé, ont toutes été refusées par les autorités. Yao Wentian a bénéficié d’une exemption des tâches physiques, et pouvait recevoir des visites de son épouse.
Livres pour les « dissidents »
Ancien ingénieur installé à Hong Kong depuis 1982, Yao Wentian y publiait un journal politique, opposé au pouvoir central de Beijing. En 2006, il fonde Morning Bell Press, rappelle The Associated Press, et se tourne vers l’édition de livres, avec des titres destinés aux « dissidents », publié par la maison d’édition et diffusé par sa librairie Chenzhong Bookstore.
Au moment de son arrestation, en 2013, il travaillait sur une biographie non officielle de Xi Jinping, devenu président de la République populaire de Chine quelques mois plus tôt. L’ouvrage, signé par Yu Jie, est vraisemblablement la véritable cause de son interpellation. L’auteur lui-même s’est exilé, depuis 2010, aux États-Unis.
Les autorités n’ont pourtant jamais fait référence à son activité d’éditeur : la « contrebande de biens communs » pour laquelle il a été puni portait sur des matériaux de construction que Wentian a fait entrer en Chine pour un ami qui rénovait son appartement…
Éditeurs et libraires poursuivis
Le cas de Yao Wentian est loin d’être isolé. Bien avant que Beijing n’impose sa mainmise sur la ville de Hong Kong à la fin des années 2010, plusieurs ressortissants de la région avaient été arrêtés par les autorités chinoises.
Parmi eux, de nombreux éditeurs et libraires, comme Lu Bo, Zhang Zhiping, Lin Rongji ou encore Gui Minhai. Ce dernier, qui publiait des ouvrages critiques à l’égard du régime et les diffusait via sa librairie Mighty Current, a été arrêté en 2015.
Il avait présenté des excuses, à la télévision, pour avoir provoqué un accident de la circulation. Mais cette justification de son interpellation avait été balayée en 2020 lors de son procès. Le 24 février de cette année-là, un tribunal de Ningbo le jugeait coupable d’avoir « illégalement diffusé à l’étranger des informations classées ». Sa peine s’élevait à 10 années de prison, qu’il purge encore aujourd’hui.
La Chine reste le pays qui enferme d’écrivains, selon l’organisation non gouvernementale américaine PEN America, avec 85 auteurs derrière les barreaux en 2021.