Le roman de Salif Mforain relate les péripéties d’une jeune femme coincée entre le marteau de ses désirs et l’enclume des devoirs auxquels l’astreignent les coutumes de son cru.
Elle entrevoit son avenir dans un bureau, assise dans le fauteuil douillet d’une directrice bardée de diplômes. Un rêve que des machinations parentales brisent un jour de dot, la sienne, à son retour de l’école. Son époux, un quinquagénaire ventru et polygame, l’extirpe de sa salle de classe ainsi que du compagnonnage de ses amis et l’entraine dans son faubourg, loin d’Adamou, cet amour de jeunesse qui restera épris d’elle malgré les maternités qui joncheront ces années de séparation. Djoulai, l’héroïne du roman éponyme, se dérobera-t-elle de cette prison dorée dans laquelle ses parents l’ont emmuré en contrepartie d’un mercantilisme réparateur d’une pauvreté longtemps subie ? Le dénouement de cette intrigue, où se côtoient dénuement, flirt et répudiation, s’étalent sur les 203 pages du roman de Salif Mforain. L’auteur de cette fiction romanesque, parue aux éditions Luppepo, remet au gout du jour le débat sempiternel mais inusité sur les mariages forcés. Une pieuvre dont les tentacules s’insinuent dans les aspérités de nombreuses familles, devenues frileuses au gré d’une pauvreté qui ouvre la porte à tous les vices.
Le récit contenu dans Djoulai questionne également la soumission aux traditions, conformismes séculaires souvent inadaptés aux valeurs que chérissent les temps actuels. Un carrefour où dogmes religieux, coutumes ancestrales et cupidité se croisent, laissant en bordure du chemin les désidératas de ces jeunes filles, offertes en holocauste pour sauver les leurs de la précarité. Salif Mforain, sociologue et animateur social de profession, compile dans son ouvrage des clichés qui ne sont cependant pas une exclusivité de l’ère socioculturel bamoun à laquelle il appartient et dans l’imaginaire duquel a été écrit le roman. Le doctorant en psychologie invite tout simplement ses lecteurs, indépendamment de la culture à laquelle ils appartiennent, à une introspection sur les dommages que cause le mariage forcé dans les vies de ces jeunes filles, obligées de rompre avec leur candeur pour rejoindre la dure réalité des adultes qu’elles ne sont pas encore.