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Ecole supérieure de journalisme de Paris: A l’ère de Vincent Bolloré

L’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris a récemment été rachetée par un consortium de milliardaires, dont un certain Vincent Bolloré, sous l’impulsion de l’entrepreneur Vianney d’Alançon. Le secteur de l’édition compte également Vincent Montagne (Média-Participations) et le groupe Bayard parmi les investisseurs. Suffisant pour raviver des craintes sur la « droitisation » future de la presse.

Cette association des plus grandes fortunes de France  regroupe notamment Bernard Arnault, via sa filiale La Financière Agache, Rodolphe Saadé, propriétaire de CMA-CGM et du jeune CMA Média (propriétaire notamment de BFM TV et La Provence). De plus, Devoteam de Stanislas et Godefroy de Bentzmann, classés 189e fortune de France selon le magazine Challenges, la famille Dassault, Pierre Gattaz, ancien président du Medef, ainsi que le groupe Bayard, qui appartient à la congrégation religieuse catholique des assomptionnistes. Dans cette liste, un nom qui a bouleversé une grande partie du monde médiatique français et au-delà: le conservateur radical et non moins sulfureux Vincent Bolloré. La CFDT Journalistes se demande si nous nous dirigerons vers « la Bolloré School of Journalism ».

Le syndicat développe : « Créée par Dick May, une écrivaine-journaliste heurtée par les dérives d’une grande partie de la presse lors de l’Affaire Dreyfus, elle fut d’abord un département de l’École des Hautes Études Sociales (EHES) et voulait professionnaliser un métier jusque-là sans véritable cadre déontologique, en insistant sur les valeurs laïques et en l’ouvrant aux femmes. Il est donc pour le moins paradoxal que cette école se retrouve aujourd’hui dirigée par les descendants (à cet égard, la présence d’un groupe humaniste comme Bayard nous étonne au plus haut point) de ceux contre qui elle se créa... »

Deux catholicismes

En effet, Bayard garantit la promotion d’un projet éditorial « humaniste », mettant l’homme au centre de ses aspirations. Le groupe affirme avoir « confiance en les qualités de l’esprit, l’importance et l’intemporelité de l’écrit ». Selon la CFDT Journalistes, un consortium de conservateurs catholiques a pris le contrôle de l’ESJ Paris. De Bolloré à Bayard, il y a effectivement un catholicisme, mais pas exactement le même : celui de Bayard, qui a connu une évolution considérable au fil du temps, a été raconté dans un livre collectif publié en 2024, à l’occasion du 150e anniversaire du groupe.

L’initiative, initialement appelée Bonne Presse, fut lancée par le père Vincent de Paul Bailly en 1873, avec la parution de Pèlerin pour organiser les pèlerinages, une pratique populaire de l’époque. La Croix est créée en 1880 et devient un journal en 1883, agissant comme un moyen de reconquête catholique dans un contexte de sécularisation croissante, marquée par des mesures comme la loi Ferry, qui fait retirer les crucifix des écoles publiques.Une attitude combative qui se manifeste dans leur devise « Adveniat regnum tuum » (Que ton règne s’installe). L’accent est mis sur Dieu, l’homme n’est pas encore au centre de la réflexion. Cette direction – mobiliser les catholiques derrière l’Église pour restaurer la société chrétienne – a connu de nombreuses évolutions au cours des décennies, dont l’une des plus marquantes, l’évolution de La Croix, a lieu dans les années 1960. Ainsi, le journal modifie son discours afin de refléter et de prendre part aux débats internes de l’Église catholique, en particulier en réponse aux scandales d’abus sexuels. C’est en 1969 qu’un changement de direction éditoriale aboutit à une ouverture vers une approche moins doctrinale et plus ouverte sur le dialogue et la réflexion collective. En 2019, par exemple, l’association « Réparons l’Église » est créée, offrant aux fidèles la possibilité de partager leurs expériences et leurs opinions.

On a compris que le catholicisme du groupe Bayard ne correspond pas vraiment à celui de Vincent Bolloré, qui aurait placé le cardinal Sarah en première page de Paris Match en 2022, avec des positions « ultra réactionnaires », ce qui a provoqué l’indignation de la rédaction. Un exemple de déclaration faite par l’éclésiastique en 2015 : « Ce que le nazisme, le fascisme et le communisme ont été au XXe siècle, les idéologies occidentales concernant l’homosexualité et l’avortement, ainsi que le fanatisme islamique, le sont aujourd’hui. » De nombreuses investigations journalistiques ont généralement présenté le milliardaire comme un catholique traditionaliste assumé, telles que celle publiée par Télérama en avril dernier, qui met en évidence à quel point « les chaînes du milliardaire breton sont très hostiles aux idées catholiques les plus traditionnelles ». En 2024, Mediapart a mené une enquête sur CNews, qui est considérée comme la base du projet d’extrême droite de Bolloré.

Parmi les 14 écoles de journalisme reconnues par la profession, l’ESJ Paris, créée en 1899 et présentée comme « la plus ancienne école de journalisme du monde », n’est pas incluse. Elle compte cependant parmi ses anciens élèves des personnalités médiatiques et littéraires renommées, telles que Philippe Bouvard, Audrey Pulvar, François Busnel, Bernard Werber, Charline Vanhoenacker, Nicolas Doze ou encore Jean-François Achilli – récemment épinglé pour avoir contribué à l’écriture des Mémoires de Jordan Bardella, président du Rassemblement national, parti d’Extrême droite.

 

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