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Etats-Unis: la censure d’État contrariée par la justice dans l’Arkansas

À l’instar d’autres États, la surenchère sécuritaire a pris du volume dans l’Arkansas à travers l’adoption, en 2023, d’une loi qui punit les libraires et les bibliothécaires pour leur fourniture d’ouvrages « inadaptés » aux mineurs. L’application de cette législation avait été suspendue par la justice et son inconstitutionnalité a été confirmée.

Une rhétorique, de l’autre côté de l’Atlantique, qui justifie depuis plusieurs années des mécanismes de censure politique mis en place par des membres réactionnaires du Parti républicain. Au prétexte de préserver la jeunesse de la « pornographie » et des contenus « obscènes », tout ouvrage qui évoque la sexualité, mais aussi des violences, qu’elles soient sexuelles, racistes ou sexistes, risque d’être écarté des rayonnages des bibliothèques scolaires ou publiques. Un discours, de l’autre côté de l’Atlantique, qui légitime depuis plusieurs années des dispositifs de censure politique instaurés par des républicains réactionnaires. Sous prétexte de protéger la jeunesse contre la « pornographie » et les contenus « obscènes », tout livre qui aborde la sexualité, mais aussi les violences, qu’elles soient sexuelles, racistes ou sexistes, risque d’être exclu des rayonnages des bibliothèques scolaires ou publiques.

Depuis 2020, ce phénomène de censure s’est propagé dans divers États, tels que la Floride, l’Iowa, le Texas, la Géorgie ou l’Utah. Selon l’organisation non gouvernementale PEN America, qui défend la liberté d’expression sur le territoire, plus de 10 000 livres auraient été soumis à une procédure de censure ou de retrait sur tout le territoire en 2023-2024. La société des bibliothèques aux États-Unis, l’American Library Association (ALA), ne compte pour sa part que 414 tentatives de censure, pour 1128 titres différents concernés, au cours des neuf premiers mois de l’année. Les chiffres diffèrent en raison de méthodes différentes : l’ALA se contente des censures « réelles » et réussies, relayées par les médias ou signalées par les bibliothécaires eux-mêmes.

Ces dernières années, Margaret Atwood, Rupi Kaur, Marjane Satrapi, Stephen King, Judy Blume, Alice Walker, Lev Grossman, Jodi Picoult, Art Spiegelman, Sarah J. Maas ou encore John Green ont été les auteurs les plus censurés. En résumé, des auteurss pornographiques renommés…En mai 2023, face au risque que l’Act 372 représentait pour les libertés individuelles, y compris celles des libraires et des bibliothécaires, une coalition de défenseurs s’opposait à la loi. Nate Coulter, alors directeur du réseau des bibliothèques publiques de l’État, condamnait un texte qui « vise à faire peur aux bibliothécaires et à contrecarrer leurs efforts dans la distribution de livres à tous les publics, au sein de la communauté ». Selon l’Act 372, les bibliothécaires, ainsi que les libraires, étaient tenus responsables de l’accès des mineurs à des contenus jugés « dangereux pour [ce public] », ainsi que tout établissement recevant du public. Bien que la pornographie soit évidemment envisagée, la législation restait assez floue quant aux critères permettant de définir la dangerosité d’une œuvre.

La législation, malgré son manque de précision, incitait finalement à l’autocensure afin d’éviter tout risque de plainte : « [N]ous n’avons pas suffisamment d’équipes pour recruter quelqu’un dans chaque travée ou pour vérifier si les utilisateurs ont bien 18 ans », s’inquiétait Nate Coulter. Le concept même de « mineur » était confus : un livre inadapté aux moins de 7 ans le devenait également pour un adolescent de 17 ans…Finalement, les peines étaient très sévères : jusqu’à 6 ans de prison et 10 000 $ d’amende. En ce qui concerne la « dangerosité » des livres, elle devait être évaluée par une assemblée générale, qu’elle soit municipale du comté, qui déterminera la valeur littéraire d’une œuvre et son caractère « obscène »… D’après ses membres, la tolérance varierait donc.

La coalition de défenseurs était composée de l’American Booksellers Association, de l’Association of American Publishers, de l’Authors Guild, de la Freedom to Read Foundation, du Comic Book Legal Defense Fund et des librairies WordsWorth Books et Pearl’s Books. Fin juillet 2023, la justice avait admis l’imperfection de l’Act 372 et avait donné une injonction préliminaire, en attendant une décision finale.Ce lundi 23 décembre, la cour de district de l’Arkansas a prononcé son jugement et a suspendu l’application de l’Act 372, qu’elle a qualifié d’« inconstitutionnel ». D’après le texte, l’objectif de limiter l’accès des mineurs à des contenus inappropriés « est, dans la loi, au détriment des droits protégés par le Premier amendement ».

Cette disposition, contenue dans la Constitution des États-Unis, interdit à l’État de violer la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté religieuse. L’Arkansas, en interdisant l’accès à certains livres par la loi, s’opposait tout simplement à ce principe démocratique. De plus, selon le juge Timothy Brooks, la loi transforme les bibliothécaires et les libraires en agents de la censure : conscients des dangers encourus, il est probable qu’ils ne conservent que des livres destinés aux jeunes enfants et censurent ou excluent les autres titres.

 

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