La crise économique qui secoue la planète dans les années 1990 va emmener l’État du Cameroun à suspendre ses financements dans le secteur culturel. Ce choix lui est presque imposé par les programmes d’ajustements structurels de la Banque mondiale et du FMI auxquels le pays a souscrit. Cette orientation aura pour effet direct le développement informel d’une bonne partie des activités économiques du secteur des industries culturelles et créatives (ICC).
Considéré par les pouvoirs publics comme un secteur improductif, les ICC qui sont pourtant une niche importante de création d’emploi, un levier remarquable du développement économique, (3,2% du PIB national) et un outil formidable du rayonnement du Cameroun à l’international occupe hélas une portion marginale dans la stratégie nationale de développement du pays. L’aide public dans ce secteur est très faible, le budget alloué à la tutelle, le Ministère des Arts et de la Culture (Minac) dépasse rarement 1% du budget total de l’État. En 2023 par exemple, le Minac a reçu la modique somme de 5,6 milliards de Francs CFA sur les 6345,1 milliards de l’enveloppe totale du budget de l’État.
Fort de ce qui précède, une question émerge. Comment un secteur aussi porteur peut-il être autant ignoré par les investissements publics ? Pourquoi les pouvoirs publics ne se penchent-ils pas sur l’industrialisation véritable des ICC ?
ICC, atouts considérables… pas pour l’État.
En créant le ministère des Arts et de la Culture en 1975, l’État lui confie des missions claires. Il est entre autre responsable de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique du gouvernement en matière de promotion et de développement artistique et culturel. Il définit la vision politique de l’État en matière de développement des arts et de la culture et fixe des orientations sur les champs de sa mise en œuvre, à travers ses organes techniques. Elles fixent les différents caps à atteindre et prévoient également les moyens de contrôle de leur performance conformément aux instruments de politiques publiques, notamment les Plans d’actions prioritaires.
Sur le plan juridique, elle a pour mandat d’encadrer par des textes la production et la commercialisation d’une part, et les droits d’auteurs, les droits voisins du droit d’auteur, d’autre part. En la matière, la conclusion saute aux yeux et même les aveugles voient que c’est un flou artistique qui y prévaut.
En 2016 pourtant, le Professeur Narcisse Mouelle Kombi, Ministres des Arts et de la Culture d’alors reconnaissait fort opportunément, dans son discours d’ouverture des 2èmes assises de Yaoundé sur les Entreprises culturelles et industries créatives. « Les industries culturelles et créatives sont des atouts considérables car elles sont sources d’emplois, d’attractivité et génératrices de richesses. La diversité de notre création est notre richesse la plus importante et l’un des premiers instruments du rayonnement du Cameroun à travers le monde. » Cette indubitable reconnaissance de l’importance des ICC n’a malheureusement pas emmené le gouvernement de la république à revoir sa politique en la matière et à entreprendre des actions concrète pour véritablement booster ce secteur créatif.
Devant cette faiblesse de l’État à faire émerger véritablement le secteur des ICC, les artistes les plus malins recourent à la coopération internationale pour donner de l’envergure à leurs œuvres. Nous gardons cependant espoir et espérons un réveil de l’État pour infléchir la courbe.