Les antennes de France Télévisions à Radio France sont toujours perturbées ce vendredi matin, pour cause, les personnels sont en grève jeudi et vendredi contre le projet de fusion éclair de l’audiovisuel public défendu par la ministre de la Culture, Rachida Dati. L’Assemblée nationale doit théoriquement débattre de cette réforme au même moment en première lecture, avec 280 amendements au menu. Mais, le gouvernement a pris la décision de le reporter l’examen du texte, arguant d’un encombrement de l’ordre du jour. L’examen risque d’être repoussé au 24 juin.
Selon la direction, le taux de grévistes s’élevait à 33% pour l’ensemble des salariés, contre 55% chez les journalistes. Du côté de France Télévisions, il y a eu 12% de grévistes, tous métiers confondus, a indiqué la direction. En conséquence, la chaîne Franceinfo a rediffusé des programmes. Le journal de 20h de France 2 a quant à lui été réalisé « dans des conditions particulières », a indiqué sa présentatrice Anne-Sophie Lapix.
Pour assurer la retransmission du débat dans la soirée sur France 2 entre le Premier ministre Gabriel Attal et le président du Rassemblement National (RN) Jordan Bardella, la direction a eu recours à des prestataires externes, d’après les syndicats.
Le temps est compté: voulant « rassembler les forces », la ministre de la Culture prévoit une phase transitoire avec une holding commune pour l’audiovisuel public au 1er janvier 2025, puis une fusion un an après. Quelque 16.000 salariés sont concernés. Outre France Télévisions et Radio France, le mastodonte de l’audiovisuel rassemblerait également l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) et France Médias Monde (RFI, France 24). L’intégration de ce dernier groupe fait cependant débat jusque dans le camp présidentiel.
En plus de la grève, plusieurs rassemblements ont eu lieu en France jeudi, dont le principal à Paris, près du ministère de la Culture. Sous le slogan « Non à la casse de l’audiovisuel public », il a réuni plusieurs centaines de salariés et une délégation a été reçue au ministère.
« Fusion longue, complexe, anxiogène »
Les inquiétudes sont particulièrement vives à la Maison Ronde à l’idée que la radio puisse être phagocytée par la télé. Dans une tribune au Monde publiée mercredi, plus de 1.100 salariés de Radio France, dont les présentateurs Léa Salamé, Nicolas Demorand, Guillaume Erner et Nagui, ont dit leur rejet d’un projet « démagogique, inefficace et dangereux ».
« Pourquoi engager (le secteur) dans une fusion qui s’annonce longue, complexe, anxiogène pour les salariés et sans réel objectif éditorial? », demandent aussi les syndicats de France Télévisions.
« C’est notre survie qui se joue », ont affirmé les syndicats de Radio France lors d’une assemblée générale mercredi, en appelant à envoyer « un message radical » par la grève. Ils préparent une autre mobilisation pour le 28 mai, pour le cas où le premier vote solennel de la réforme par les députés serait maintenu à cette date.
Aux personnels, Rachida Dati a assuré dimanche: « Je veux vous garantir non seulement une pérennité mais (aussi) votre force » dans un univers de « concurrence exacerbée », entre plateformes et réseaux sociaux.
« Le moment politique est venu », selon la ministre, après une tentative de rapprochement par son prédécesseur Franck Riester stoppée par le Covid-19. « Evidemment, on ne va uniformiser ni les métiers, ni les activités », a-t-elle aussi martelé mercredi au Sénat lors des questions au gouvernement.
La société géante, dénommée « France Médias », aurait un budget de quatre milliards d’euros. Pour accélérer, la ministre issue de LR s’est appuyée sur une proposition de loi du sénateur Laurent Lafon (Union centriste) programmant une holding, déjà adoptée en juin 2023 par la chambre haute.
« Nous ne sommes pas opposés à la fusion » mais « on peut s’interroger sur le calendrier », a souligné M. Lafon sur Public Sénat mercredi. La navette parlementaire ne fait que démarrer. Le sort de France Médias Monde ne paraît pas tranché. Le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné a affirmé que le gouvernement était finalement pour son exclusion de l’entreprise unique.
Mais les discussions pourraient être serrées avec la droite, qui est à l’inverse attachée à son inclusion. Les élus RN – favorables à une privatisation pure et simple de l’audiovisuel public – soutiennent le projet de fusion. Privatiser? Le patron de LR Eric Ciotti n’a « pas de tabou » non plus. De son côté, la gauche torpille holding comme fusion. LFI voit dans ce projet « l’aboutissement du dénigrement et de l’affaiblissement » du service public opéré par Emmanuel Macron. « Ce n’est pas le retour de l’ORTF qui va nous permettre de concurrencer Netflix », renchérissent les écologistes.