Bonsoir Xzafrane et merci de répondre à l’invitation du Webzine Lesrencarts.com.
Merci bien. Je prends du plaisir à répondre à cette invitation.
Qui est Xzafrane et d’où vous vient ce nom ?
Xzafrane est un artiste rappeur engagé camerounais. Xzafrane est par ailleurs entrepreneur, promoteur d’association, réalisateur. Il est diplômé de l’École Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ESSTIC). Pour ce qui est du nom Xzafrane, c’est un nom qui à la base ne veut rien dire. J’ai voulu trouver justement un mot qui ne voulait rien dire afin que mon existence lui donne un sens.
Il y a pratiquement 15 ans que vous faisiez vos premiers pas dans le rap. Contez nous vos débuts.
Je suis issu d’un quartier difficile du 6ème arrondissement de la ville de Yaoundé. Je suis un enfant de Miniferme. J’ai grandi au milieu de la drogue, du sexe. Il m’a fallu faire le choix très tôt dans la vie de ne pas suivre la route à laquelle mon quotidien me prédestinait. Et je peux dire que c’est grâce à la musique que je suis arrivé à sortir indemne de ce milieu sans sombrer dans le vice. J’entre dans le rap en 2004 parce que je voulais dire des choses, je voulais parler aux gens, toucher les gens afin de susciter le changement en eux, je voulais soigner mon mal-être. Le rap a toujours été une sorte de thérapie pour moi. Au départ, j’ai commencé avec un groupe appelé « Acte 1 » et j’étais au sein de la grande famille Masters Of The Game. Gros big-up à Faucon Amenté qui fut mon mentor, à mes frères d’armes Izmo, Oxonoze, Section Rebelle, Dad X, Universel…
Déjà 4 albums à votre actif à savoir « 1 Million de Problèmes » en 2013, « 5 Majeurs » en 2016, « Le Cameroun D’abord I » (Autopsie d’un Cameroun malade) sorti en 2021, et le dernier en date « Le Cameroun D’abord II » (THÉRAPIE pour chaque camerounais, chaque africain voir chaque humain) sorti en 2024, ainsi que plusieurs singles enregistrés. Quel bilan dressez-vous de votre parcours?
Quand je regarde le chemin parcouru, je ne manque jamais de remercier l’Éternel. J’apprécie chaque pas marqué à sa juste valeur. Je rends grâce pour chaque victoire aussi petite qu’elle soit. Je n’ai sauté aucune étape dans la construction de ma carrière. J’ai toujours su que rien n’allait être facile pour moi surtout que je fait du hip-hop engagé dans un pays compliqué. Mais un pays que j’aime de tout mon cœur. J’ai tellement eu des possibilités de partir d’ici mais hélas je n’ai jamais trouvé la force de le faire. J’ai toujours su que je ne pouvais pas prétendre facilement au succès populaire. J’ai toujours su qu’aucune porte ne me sera ouverte, qu’il faudra à chaque fois les défoncer. Être en vie est la seule chance que j’ai et je dois travailler 100 fois plus que les autres pour espérer avoir la reconnaissance que je mérite. Aujourd’hui, j’arrive à vendre 5000 exemplaires de mon album à des Camerounais. Hier c’était impossible et demain on fera sans doute plus. Aujourd’hui on un succès d’estime et demain on pourra avoir un succès populaire et commercial. On pourra réussir à vivre de notre art sans avoir besoin de le dénaturer ou de se compromettre.Ce que j’ai surtout appris avec le temps et à travers les projets c’est que la musique c’est une vie.
Revenons sur l’album « Le Cameroun D’abord II ». De quoi parle-t-il ? combien de titres et quelles ont été les différentes collaborations ? comment faire pour se le procurer ?
Le Cameroun d’abord en effet c’est une trilogie. En 2021 je sortais le volume 1 et en fin 2023, début 2024 le volume 2. Un volume 3 viendra avec un livre également. « Le Cameroun D’abord II » est un album de 20 titres avec plusieurs collaborations à savoir au Cameroun: KAREYCE FOTSO, SANDRINE NNANGA, MR LEO, LYDOL, MIMIE, SOJIP, ELMEKO, STIFLER 90, KING ARTHUR, TIM KAYZER, VINI DANCAM, VENUM, ALIENA, BLACK MAMBA, BOUDOR, SULTAN OSHIMIN, DESIRE VOLCAN, ROI TSALA; en Cote-d’Ivoire collaboration avec le rappeur DEFTY du Label DEF JAM RECORDINGS AFRICA; au Sénégal une collaboration avec la Légende du Hip Hop sénégalais Didier AWADI et au Gabon avec le rappeur RODZENG . Vous pouvez vous le procurer sur toutes les plateformes de téléchargement légale, il est également en vente sur stillac.com.
Vous êtes considéré comme le porte-parole de ces camerounais et africains ordinaires qui luttent pour leurs droits et leur dignité. Que répondez-vous ?
Le travail qu’on fait agit à deux niveaux; le 1er nous sommes un peu comme ce Haut parleur des populations qui diffuse à plus grande échelle les frustrations, les problèmes et les douleurs de ce peuple, et au second niveau nous sommes comme le réverbère qui éclaire ce peuple, à partir de notre expérience, à partir de nos analyses, on se positionne comme cet appareil destiné à l’éclairage pour éclairer la vie de ce dernier pour qu’il puisse prendre les bonnes décisions le moment venu. Une lumière qui sensibilise, qui pousse à l’éveil des mentalités et à la conscientisation de façon générale.
En écoutant vos chansons, notamment le titre « La vie coûte cher » de l’album « le Cameroun d’abord II », on comprend que l’actualité vous inspire, de quoi vous servez vous d’autres pour les écrire ?
Effectivement, le travail d’un artiste engagé rejoint un peu celui du Journaliste. Nous nous inspirons de l’actualité, de notre vécu pour écrire nos chansons. Déjà mon vécu c’est toute une histoire. Pour la petite histoire, mon Papa a passé 10 ans dans la Fonction Publique sans toucher à son salaire; ce sont des choses qui m’ont beaucoup frustré et qui m’ont inspiré. Je suis né et grandi dans un quartier très difficile. J’ai subi un certain nombre de frustrations dans mon enfance et au quotidien qui ont fait que quand je parle de mon expérience ou de ma vie ça touche plusieurs personnes. Et Oui! nous nous inspirons de l’actualité, des camerounais dans la globalité et de l’humain en général. Notre musique vient du cœur alors forcément elle touche les cœurs.
Vous êtes l’un des derniers survivants du rap engagé. D’après vous, où est-il passé ?
Le Rap engagé est présent. Je ne suis pas le dernier survivant; il y a des jeunes rappeurs engagés, il y a des rappeurs engagés qui existent et que je connais. Je dirais que c’est le Média qui est absent lorsqu’il faut dénoncer et sensibiliser le public. Et puis il faut comprendre que faire la Musique engagée est un choix très difficile. Beaucoup font ce choix mais s’arrêtent en cours de chemin. il y également des résistants. Mais c’est pas évident de continuer quand les médias ne s’intéressent pas à vous. Regardez seulement le nombre de clips déjà réalisés, toute la batterie que nous mettons dans la musique, ça fait mal de ne pas pouvoir être diffusé dans les médias.
Quel est votre avis sur les rappeurs du moment?
Je crois que le Rap est une discipline du mouvement Hip Hop et le Hip Hop en lui même est un mouvement dynamique tout comme le Rap. C’est un mouvement qui évolue. Lorsque moi je commençais en 2005, on critiquait déjà les rappeurs de la même année d’avoir altéré, corrompu le Hip Hop parce que ce n’était plus ce qui se faisait dans en 1997 et en 1998. Je crois que c’est le même discours qui est tenu aujourd’hui car les plus anciens estiment que ce qui se fait en 2024 dans le Hip Hop a largement altéré. Les jeunes aujourd’hui ont beaucoup à offrir; moi j’écoute beaucoup les jeunes de la nouvelle génération je crois qu’il y a beaucoup de potentiels et qu’il faut que les aînés ne soient pas juste là pour critiquer ce que ces jeunes font, ils doivent leur tendre la main, leur apprendre la structure d’un texte de Rap. Avec l’arrivée d’internet, ils se retrouvent avec X possibilités en terme d’écoute, ce qui fait qu’ils n’ont pas la bonne référence. Effectivement, la musique a perdu sa consistance en terme de qualité de texte, de sérieux et si nous sommes arrivés à ce niveau fastfood c’est pour la simple que le BON est rejeté.
Aujourd’hui avec la crise du disque, on sait que de nombreux artistes ont du mal à vivre de leur passion. Selon vous, quelles sont les solutions ?
Je crois qu’il y a pas que les disques. C’est vrai que dans notre environnement, pour ce qui est du Cameroun particulièrement l’artiste n’a pas un statut, le Droit d’Auteur ne tourne pas donc c’est encore plus difficile, mais il y a d’autres revenus qui sont forcément liés à la chose artistique qui peuvent permettre de nourrir les artistes que ce soit le Droit d’auteur, les Showcases, les supports de merchandising qui tournent autour de chaque artiste, que ce soit les Droits voisins, les placements publicitaires, donc il y a un certain nombre de choses qui peuvent remplacer le disque. Et toutes ces choses sus cités au Cameroun ne sont pas encore assez structurées. Nous, nous essayons de résister. Avec l’album « Le Cameroun D’abord 1 » nous avons créé une marque vestimentaire qui a permis de financer la réalisation du Volume 2.
Et avec ce Volume 2 nous sommes au Mois de Mars nous sommes à plus de 7 000 exemplaires de notre album vendus sur le site stillac.com. ça témoigne d’un engouement de certaines personnes. En même temps on ne va dire que c’est de très gros sous qui peuvent permettre de couvrir toute la production, mais c’est déjà quelque chose.
Pour terminer, pensez-vous que Demain c’est encore loin ?
(Rire). C’est une question philosophique. Pour ma part, je dirai que Demain n’est plus loin; d’autant plus que l’on s’inspire du passé pour travailler le présent et le Future se dessine aujourd’hui. Donc demain dépend de ce que nous sommes entrain de faire aujourd’hui.