Pr Souley Mane, à travers son essai intitulé « Islam et non-violence ; Djihad pour la paix », oppose une réfutation coriace à ce flot de délations dont l’Islam fait si régulièrement l’objet par le canal de certains sujets de l’actualité internationale.
Boko Haram, Daesh, Hamas, Hezbollah, Al Qaïda, Mujao, Ansar Dine…bien plus que des organisations cataloguées dans l’encyclopédie du terrorisme international, il s‘agit de clichés qui tournent en boucle sur les chaines d’information, où la page nécrologique est écrite à l’aide d’une plume préalablement trempée dans le sang innocent de victimes tombées sous les balles de certains barbus radicalisés à l’islamisme. Difficile d’entrevoir l’Islam sous un prisme différent de l’égorgement ou de la décapitation, tant l’odeur acre du sang qui coule à flots dans les proche et moyen Orients attise les appétits de moult éditorialistes aux quatre coins de la planète et biberonnent les colonnes des journaux. L’historien et islamologue Souley Mane, en proposant « Islam et non-violence ; Djihad pour la paix », paru en octobre 2022 chez Hikma, décline pourtant un visage jusque là méconnu d’une obédience religieuse au frontispice duquel s’étalent de précieux enseignements enduits de paix et de cordialité. Dans un monde acquis au dogme du « choc des civilisations » de Samuel Hungtinton et du « péril vert » parti du désert arabique avec un sabre à la main pour épurer la Sainte Terre d’Allah des mécréants qui y vivraient, l’ouvrage de 128 pages apporte une lecture rarement propagée par les délateurs de l’islam mais porteuse d’un idéal situé aux antipodes des extrémismes de notre temps. « Le mot arabe Salam ou la paix est dérivé du mot Islam. C’est pour cette raison que ce vocable est tout simplement défini comme paix », indique l’auteur au premier chapitre consacré à l’aperçu d’une religion pratiquée par plus d’un milliard de personnes vivant dans une soixantaine de pays.
L’Islam est-il non-violent ? Une question qui rendrait des gorges chaudes dans bien de territoires de ce monde où ont sévi avec férocité les fatwa si souvent prononcées aux pupitres de certaines mosquées du monde arabo-musulman. Il va falloir cependant raison garder, prévient Pr Souley Mane, qui ira puiser le ferment de son argumentation dans l’histoire du Prophète Muhammad, ce Mecquois né en 570 de l’ère chrétienne, réputé honnête et affable par ces concitoyens et sur qui le choix d’Allah, « le Clément, le Miséricordieux », s’est porté pour sortir l’Humanité de son temps des cavernes idolâtres et la ramener sur les sentiers du monothéisme. Une mission périlleuse qui lui a valu l’hostilité des siens et sa patrie sans jamais affecter ses nouvelles convictions. Un apostolat de 23 ans dont les péripéties sont relatées par Pr Souley Mane, narrateur fidèle de l’odyssée mahométane à travers les cinq chapitres de son essai. Sont à lire également, des propositions à l’usage desquelles s’opèrera un aggiornamento dans les rapports souvent tendus par endroits entre le monde arabo-musulman et celui judéo-chrétien. L’enseignant-chercheur au département d’histoire de l’université de Yaoundé I ne nous a-t-il pas appris les liens étroits qui unissaient le Saint Prophète de l’Islam à Ashamah, ce Négus de l’Abyssinie (l’actuelle Ethiopie), légataire d’une culture chrétienne qui ne l’a pourtant pas empêché d’offrir l’hospitalité de son royaume à ces nouveaux convertis à l’Islam, fuyant les persécutions des leurs ? Un zeste d’œcuménisme, une invite à plus de tolérance dans un contexte international où bien de discours propagandistes agitent le spectre d’un retour aux heures noires des croisades. « Même si, ces dernières années, pour des raisons multiples, une vision rigoriste et violente s’est renforcée, d’autres vois, bien heureusement, se font entendre et mettent en avant, comme Souley Mane, le caractère non violent de l’Islam. Il est nécessaire de les écouter », suggère Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique et préfacier de l’ouvrage.