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Journalisme et littérature : Une écriture de combat

Brève revue des hommes et femmes de média qui ont contribué au développement de la production littéraire à l’orée de la 30ème édition de la journée mondiale de la liberté de la presse célébrée le 3 mai prochain.

Les journalistes camerounais écrivent-ils autre chose que des articles de presse ? Une question que se pose souvent la critique littéraire au pays de la foire d’empoigne sur les plateaux de télévision et des éditoriaux lance-flammes des week-ends à la radio. La réponse pourtant, pour qui cherche des plumes de journalistes dans les présentoirs de librairies, est un florilège de bonnes pages où sont écrites les phrases les plus anthologiques de la littérature camerounaise. Une contribution au long court, commentant le Cameroun et le monde au gré des mutations, bonnes ou mauvaises, qui y survenaient. Dans l’antre des salles de rédactions, les journalistes du Cameroun postcolonial affutent leurs plumes et les trempent dans l’encrier de l’engagement politique. Un devoir devenu sacerdotal pour François Marie Borgia Evembé qui, dans Sur la terre en passant, entraine le lecteur dans les forêts bassa et bamiléké où s’organise la lutte contre l’occupant français. Le sang et la mort qui coulent le long des 112 pages de ce roman paru en 1966  chez Présence africaine recevront le Grand prix littéraire d’Afrique noire. Une littérature de combat donc à laquelle souscrivent les journalistes, devenus les gendarmes d’une république barbelée au patriotisme compulsif. Le cas d’Abel Zomo Bem, micro majeur du Radio Cameroun des décennies 60 et 70, qui créé une symbiose d’actions entre l’épée du roi Minkomba et les cauris du magicien ‘’L’Evadé’’ dans Le moule cassé pour expurger l’ogre colonial du sol natal. Une belle unité souvent contrariée par certains choix qui ont valu les ors de la nation à Henri Bandolo, auteur de La flamme et la fumée, épaisse diatribe dans les pages de laquelle il a fait le procès des années Ahidjo au pouvoir tout en magnifiant Paul Biya et les promesses de rigueur et de moralisation qui bondent ses bagages en entrant au Palais de l’Unité. Devenu ministre de l’information – le premier journaliste à accéder à cette fonction -, Bandolo sera critiqué jusqu’à sa mort par une partie de la corporation, l’accusant d’avoir mordu la main qui l’a longtemps nourri. La rançon de la gloire…

La ferveur sous le drapeau va pourtant s’étioler au fil des aspérités du quotidien. La relative prospérité économique et le sentiment national qui ont traversés les trente premières années du Cameroun indépendant constituent un chapitre de l’histoire nationale qui se refermera en même temps que s’est ouvert celui des crises socioéconomiques. Les sentinelles des newsrooms sont encore là, aux aguets, disséquant au stylo chaque parcelle d’une gouvernance jugée déjà trop corrompue et essoufflée. Ce qui n’est pas sans conséquences. Bloc-notes de bagnard, souvenir des mois de détention de Pius Njawé à la prison centrale de New-Bell à Douala pour « propagation de fausses nouvelles » sur l’état de santé du chef de l’Etat dans son journal Le Messager, resitue le journaliste dans le combat auquel est assignée sa plume, quitte à susciter un froncement de sourcils du pouvoir et risquer un broyage en règle par son rouleau compresseur, réputé légitime et violent.

A défaut d’être thématique, la littérature de journalistes au Cameroun aime à ouvrir ces tiroirs où sont enfermés les guinarous de la république. Ces sujets dont la répugnance pestifère l’ambiance et alimentent la chronique sociale des mois durant. La vague de meurtres qui avaient secoué le clergé catholique dans les années 1990 et 2000 n’avaient pas seulement été commentés dans des articles de presse. Dans Eglise des martyrs au Cameroun, le journaliste d’investigation Léger Ntiga navigue dans le sang qui a coulé dans l’entrelacs des connivences souvent suspectées entre le trône et l’autel. Un sacerdoce au pied de la croix qui se poursuivra avec Mgr Balla, un crime trop parfait, enquête sur la mort d’un prélat repêché des eaux de la Sanaga dans des circonstances suffisamment troubles pour renvoyer Hercule Poirot aux cours du soir. La politique, vedette insurpassée du journalisme camerounais, a aussi ses épistoliers. Valentin Siméon Zinga, orfèvre de l’écriture ayant dirigé les rédactions de La Nouvelle Expression et du Messager, a compilé son vécu trentenaire de journaliste politique dans Cameroun, chronique d’une démocratisation assistée, où se croisent anecdotes de reporter, confidences de politiciens et analyses d’experts. De croustillants bagous comme le sont ceux contenus dans Accordé avec fraude, répertoire de frasques électorales minutieusement documentées par Jean Bruno Tagne, égérie d’un journalisme politique ouvertement hostile au prosélytisme favorable au pouvoir.

 

 

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