Le président du Réseau international des journalistes littéraires du Cameroun (Rijlc) présente son mouvement ainsi que ses actions dans les prochains mois.
Les Rencarts : Avant de parler du Réseau international des journalistes littéraires du Cameroun, dites-nous déjà si vous trouvez vos confrères de la presse suffisamment proches de la lecture ?
Junior Haussin : Je dirai non. Tout simplement parce que cela se constate dans les faits. L’écrasante majorité des salles de rédaction au Cameroun ne dispose pas d’une bibliothèque ou encore d’une médiathèque. C’est un fait qui est réel. Il faut dire également qu’il n’existe pas dans nos médias un espace consacré à la lecture ou un espace de recherche, ne serait-ce que spécialisé dans le journalisme. C’est dire que la lecture ne fait pas partie des habitudes du journaliste camerounais. D’un autre côté, il y a probablement des journalistes qui vont se distinguer en lisant quelques livres. Et puisqu’il est impossible de pouvoir le clamer sur tous les toits, je pense qu’il faudrait que les journalistes de plus en plus prennent le pas en insistant sur la création d’une bibliothèque au sein de la rédaction. C’est ainsi que nous arrivons à avoir des journalistes qui se cultivent de manière naturelle mais surtout scientifique parce que la lecture, ne serait-ce que celle consacrée au journalisme, a sa place et mérite qu’on en parle. La problématique liée à la création des médiathèques ou d’une bibliothèque au sein des rédactions devient capitale.
Êtes-vous de ceux qui, dans le métier ou en dehors, estiment que l’un des problèmes avec la presse camerounaise d’aujourd’hui, est que bon nombre de ceux qui en sont les praticiens manquent de culture générale, celle-ci s’acquérant par les moyens de la lecture ?
Effectivement. Je pense qu’un journaliste peut ne pas avoir la science infuse mais doit être cultivé. Et la culture générale nécessite une documentation. Nous en sommes aujourd’hui à assister dans le milieu de la presse à des dérives professionnelles, y compris dans le traitement de l’information, la façon avec laquelle les sujets sont abordés, etc. Ces dérives sont immédiatement liées à ce manque de culture générale. Celle-ci pourtant rentre dans la recherche et l’apprentissage quotidien. Et un journaliste doit apprendre tous les jours, doit se cultiver, doit aller dans les bibliothèques, aller vers les livres et les acheter pour mieux comprendre. J’ai l’impression que le journaliste se limite à l’information collectée pour se documenter et prétendre plus tard avoir une culture générale. On en est à penser que si on est informé de ce qui se passe à Kolofata [Ville de l’Extrême-Nord du Cameroun, NDLR] ou en Ukraine, cela signifie qu’on est cultivé. La culture générale va bien au-delà de l’information collectée, traitée et diffusée par un organe de presse. Le journaliste doit être celui qui, lors d’un débat ou dans le traitement d’une actualité, doit être capable d’apporter une information qui permettra d’enrichir la connaissance de son auditeur, du téléspectateur ou du lecteur. Il faut penser à ce que l’on appelle « le plus de l’info » qui est la résultante de la recherche scientifique ou littéraire. Une recherche qui permet de rendre un peu plus cultivée le journaliste. Un journaliste cultivé est au-dessus des autres parce qu’enrichi de connaissances et qui, au-delà de la pratique du métier, peut arriver un jour à enseigner le métier car détenant le savoir-faire.
Des confrères vous retorqueraient au même moment que la lecture ne sert plus à grand-chose dans le contexte actuel, à l’ère notamment des plateaux télévisés ou encore des talk-shows radiophoniques. Il est plus facile de nos jours, diraient-ils aussi, de regarder et d’écouter que de lire…
Il est capital et même obligatoire de nos jours qu’un journaliste ait du temps pour lire. Mieux, il doit comprendre que c’est un impératif pour lui d’avoir un livre par devers lui constamment. Cela signifie que si la lecture d’un roman est quelque chose de très difficile et ennuyeux, un journaliste doit se doter d’un ouvrage spécialisé dans le domaine qu’il pratique. On assiste aujourd’hui à des journalistes qui se sont spécialisés en sports, en éducation, en environnement, en santé, en politique. Vous comprenez que ces journalistes qui se sont spécialisés doivent approfondir leurs connaissances dans leurs spécialités pour avoir le plus de l’information. Si par exemple vous vous êtes spécialisés en santé ou dans les questions environnementales, vous devez vous munir des documents en lien avec ces sujets-là. Ces manuels vont vous ouvrir les yeux, vous apporter plus de lumière, beaucoup plus d’orientation dans le traitement ainsi que dans l’approche d’un sujet. On ne peut pas prétendre aujourd’hui être un journaliste des sports et qu’on n’a pas pu lire au moins deux ou trois livres consacrés au sport en une année. L’avouer serait un miracle. Le métier de journaliste ne doit plus simplement se limiter à descendre sur le terrain, de collecter, de traiter et de diffuser une information. Dites à n’importe qui comment cela se passe et il ou elle le fera sans la moindre complication. Il faut être le journaliste au-dessus des autres journalistes, qui apporte un plus à la pratique et dont on sent la parfaite maitrise du sujet. Cela n’est atteignable qu’à travers la culture générale, d’où l’importance pour chaque journaliste de marcher avec un livre avec soi, de trouver un temps pour lire des livres spécialisés dans le domaine sur lequel l’on travaille au quotidien.
Parlons à présent du Réseau international des journalistes littéraires du Cameroun (Rijlc), organisation dont vous êtes le fondateur et président. Est-ce l’idée que vous avez eue pour faire en sorte que la littérature ait un peu plus de place dans les salles de rédactions où elle reste à date le parent pauvre des préférences éditoriales ?
La mise sur pied du Rjilc par moi part d’un constat que j’ai fait dans la plupart des salles de rédaction où la littérature est en effet le parent pauvre dans le traitement de l’actualité, dans les discours au sein des rédactions. Au-delà de cela, beaucoup de journalistes ne s’intéressent même pas à la lecture. Ils sont nombreux qui ont d’ailleurs du mal à comprendre qu’ils peuvent se spécialiser en littérature. Et j’avais justement fait le constat que des journalistes pour la plupart préféraient se spécialiser en sport pour beaucoup plus de voyage, en politique pour plus de contacts et d’argent, en environnement pour avoir des opportunités de voyages ou encore en santé parce qu’il a aussi beaucoup de moyens là-bas. Au même moment, j’ai fait l’observation que beaucoup n’arrivaient pas à se spécialiser dans un domaine comme la littérature. Il existe évidemment des journalistes culturels mais c’est davantage la musique pour certains et le cinéma pour d’autres. Il fallait donc aujourd’hui que je sorte la littérature des tiroirs pour la poser sur la table des rédactions et l’imposer. Il a fallu donc pour ça créer une spécialité « littérature » pour enfin pouvoir reconnaitre ceux qui en sont les spécialistes, des journalistes littéraires si on veut ; un journaliste qui, au quotidien, collecte, traite et diffuse l’actualité littéraire. C’est grâce à ce travail que le public saura qu’il existe bel et bien une information littéraire qui est comme une information économique, politique, sportive, etc. La littérature est aussi un fait de société et nécessite un traitement pareil que les autres sujets d’actualité.
Faites-nous part des échos qui vous parviennent au sujet de cette initiative que vous impulsez. Les journalistes vous semblent-ils intéressés par cette offre ?
Bien que nous soyons encore à l’étape de la légalisation du réseau, les échos du moment sont très positifs. Lorsque je rencontre des confrères au courant de ce que j’entreprends, ils m’expriment leur fierté au sujet de ce combat que je mène, de cette initiative qui apportera un souffle nouveau au sein des rédactions camerounaises. A date, nous comptons plus de 35 membres. Et je pense que ces membres sont des journalistes amoureux de la littérature. Grâce à ce réseau et ce de plus en plus, il y a de la littérature dans la page culturelle des médias où exercent les membres du réseau. Ils se battent d’ailleurs assez pour qu’il y ait de l’actualité littéraire dans les éditions d’information. Je crois que mes confrères sont très heureux de cela. Il y trouve quelque chose d’original, avec beaucoup d’audace de ma part ; et ils saluent cela. Je suis très content. Une fois que tout cela sera légalisé, lorsque nous aurons tenu la toute première conférence de presse pour présenter le réseau et fait le tour des rédactions pour présenter les membres du bureau exécutif, nous aurons certainement dans les médias des journalistes spécialisés en littérature et font un véritable travail de journaliste pour l’information littéraire.
Quelles sont les modalités pour en être membres ?
Premièrement, ce réseau s’adresse aux femmes et hommes de média qui, au quotidien, traitent de l’information littéraire ou alors qui font de la littérature une passion. Mais ce réseau ouvre également ses portes à n’importe quel amoureux de la lecture ou de la littérature, ayant un sens du partage. Le but est de communiquer, de diffuser aussi loin que possible l’actualité littéraire. Très bientôt, nous allons tenir notre conférence de presse ainsi que notre assemblée générale et nous reviendrons sur les modalités. Mais pour l’instant, le groupe WhatsApp est disponible ; mes adresses sont disponibles sur les réseaux sociaux. Ma page facebook est disponible. Ceux qui veulent intégrer le réseau peuvent tout simplement me contacter aux 679678406/698598005. A partir de mon numéro, vous pouvez déjà intégrer le réseau. Vous pouvez également m’écrire sur Facebook via la page « La lecture je contribue ». Voilà ce qu’il y a lieu de faire en attendant la finalisation des statuts et du règlement intérieur avant le lancement des activités l’année prochaine.