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Le Ndop brulé à Bayon, les Mbô s’attaquent à l’âme des Bamiléké ?

Les populations autochtones du village Bayon ont brulé le Ndop, tenue traditionnelle Bamiléké, symbole important de leur identité culturelle le 30 avril dernier. Ils s’offusquent contre l’érection des foyers culturels bamiléké dans leurs villages. Comment la culture contribue à la diffusion du tribalisme et à la haine sociale ?

Le Cameroun, Afrique en miniature est riche par sa diversité. « Le continent » Cameroun compte près de 240 ethnies, réparties en trois grands groupes (Bantous, Semi-Bantous, Soudanais). Ces   240 ethnies correspondent elles aussi à autant de langues nationales. Cette diversité culturelle s’illustre dans l’art de vivre, les traditions, l’habitat, le folklore et l’artisanat. Longtemps présentée comme un atout pour le pays de Manu Dibango, la diversité ethnique du Cameroun se pose de plus en plus comme un danger pour la paix sociale et la cohésion entre les peuples.

Au lendemain du scrutin présidentiel du 07 octobre 2018, scrutin au terme duquel le Président Paul Biya (au pouvoir depuis le 06 novembre 1982) a été déclaré vainqueur avec un score de plus de 71%, les discours de haine et le repli identitaire ont pris des proportions inquiétantes à la fois sur le territoire national qu’au sein de la Diaspora camerounaise. En première ligne de ces pratiques pour le moins dangereuses pour l’unité nationale, certains hommes politiques, des leaders d’opinion et des artistes célèbres.

Le 28 juin 2021, Latis Divas, artiste musicienne, écrit sur sa page Facebook : « En tant que fille et artiste Bamileké et très très fière de l’être, je me sens directement concernée par cette affaire d’Eric Christian Nya (Animateur à la CRTV Ndlr). J’appelle donc le peuple Bamileké à travers le monde à se lever et à prendre des mesures radicales contre tous ces artistes tribalistes. Quand c’est trop c’est laid ». Cette sortie de la chanteuse avait créé la controverse auprès de l’opinion nationale. En réaction, une internaute écrira, « Ce genre de publication qui me dégoûte. En tant qu’artiste j’aurais espéré une autre intervention de ta part. Deja qu’il n’ya pas de peuple Bamileke ni Bassa ni Eton… mais un peuple camerounais composé de plusieurs ethnies et tribus. Et il n’existe pas d’artiste Bamileke. Vraiment vous décevez.

Je ne peux même plus blaguer avec mes amis Bamiléké comme avant. Des que tu dis seulement oh vieux Bami ça devient les problèmes or avant nous étions si bien et heureux ensembles. Si vous les aînés vous pondez ce genre de publication vraiment !! Ich ». Les clivages entre les fils de la nation, sont de plus en plus nombreux. Les appels à la violence, les incitations à la guerre civile et la haine vont craindre le pire au rappeur Valséro. « Faites attentions les gars. Faites attention au discours que vous tenez ! Faites attention au poison que vous inoculez dans notre pays », avertit-il.

Invité spéciale de la quatrième édition de la  All Bamiléké Convention (rencontre annuelle au cours de laquelle, les ressortissants du peuple des Grassfield établis aux Etats-Unis d’Amérique et au Canada célèbrent leur héritage culturel), du 02 au 04 septembre 2022 à Denver aux Etats-Unis, le célèbre musicien André-Marie Talla fera une déclaration qui va fortement choquer les camerounais. « On nous a poursuivis, on nous demandait un  laissez-passer pour aller à l’Ouest. Mais maintenant que vous êtes ici, que vous êtes dehors, que vous avez cette liberté offerte par l’Amérique du Nord, nous avons peur de  qui ? », interrogeait  le chanteur, avant d’indiquer que son groupe ethnique doit être la locomotive et les autres  ethniques du Cameroun les wagons. Des propos fortement critiqué par Célestin Djamen, homme politique, originaire de la même tribu que le chanteur. Pour lui, c’est un discours « abject qui pourrait semer les graines d’une guerre civile ». Pour le leader politique, ni le racisme, ni le tribalisme ne doivent être tolérés. Nous devons aussi tourner le dos à toutes les velléités suprématistes qui tendent à s’exprimer aux quatre coins du pays. Il faut surtout veiller à ce que la culture et ses acteurs ne soient pas instrumentalisés pour diviser les Camerounais. Les actes comme celui qui a eu lieu à Bayon dans l’arrondissement de Baré-Bakem, dans le département du Moungo, dans la région du Littoral le 30 avril dernier où le Ndop, tenue traditionnelle des Grassfield, symbole important de leur identité culturelle, a été brulé par les Mbô, populations autochtones de Bayon, qui s’opposent à l’érection des foyers culturels Bamiléké dans leurs villages ne doivent pas être admis dans notre société.

Les artistes sont des phares qui illuminent la cité. Leurs discours doivent être de nature à unir leurs compatriotes, plutôt que de contribuer à arroser la graine de la haine, du tribalisme, de la désunion entre les peuples. Selon le philosophe Hubert Mono Ndzana, s’attaquer aux symboles de la culture d’un peuple, c’est s’attaquer à l’âme de celui-ci. Il nous incombe dès lors la mission de tout faire pour préserver nos acquis, aller à la rencontre de l’autre pour s’enrichir de son héritage culturel, dans le respect de son intégrité, de ses spécificités et sans aucun dessein suprématiste, pour que vive le Cameroun uni dans sa diversité

Written by Didier Denguel

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