Artiste plasticien, Jean Michèle Dissake Dissake développe dès sa prime enfance un regard éveillé sur son environnement. Il se donne à cœur joie, la liberté de reproduire tous les objets qui l’entoure. Sans se soucier de l’esthétique de son coup de crayon, Jean Michèle Dissake Dissake dessine tous les détails intéressants sur lesquels son œil d’artiste amateur se pose.
Le jeune passionné d’art touche à tout. Il transforme en chef d’œuvre issu de son imagination fertile, des papiers de journaux, des boules d’argile, de terre, des lianes, des écorces, des tôles et du métal.
Ces œuvres tirent leur source de la dualité immanente de tous les êtres humains à savoir, la Res extensa, (substance corporelle) et la Res cogitans (substance pensée). L’artiste défend son appartenance à une caste, « qui transcende le monde du visible, les frontières et les préjugés, pour faire appel au cœur des hommes, à leur valeur intrinsèque. »
Dibala, la Case sacrée.
Dans les traditions africaines, la Case sacrée est une sorte de palais-temple sacré ou de maison du peuple ayant plusieurs fonctions qui varient selon les chefferies. Elle peut être un lieu de réunions du chef et de son assemblée de notables, ou encore un lieu de rites et de sacrifices. Elle peut parfois servir de sépulture du chef.
Chez les Sawa, ensemble d’ethnies bantoues installées sur le Littoral camerounais, et dans une partie des régions du Sud et du Sud-Ouest, dès l’instant où le nom du nouveau roi ou encore du successeur du roi est connu, les notables construisent la case sacrée où va se dérouler le rituel d’initiation du roi. Cette case en langue Duala porte le nom de Dibala. Elle est construite avec des feuilles de palmiers et de raphia. On y accède pied-nu en tournant le dos et les pas. Cet espace est réservé uniquement aux initiés. C’est donc dans cette hutte que le nouveau roi va séjourner durant trois nuits. Contrairement au pays Bamiléké où les femmes accompagnent le chef au La’akam, chez les Sawa les femmes n’ont pas le droit d’entrer dans cette case.
Le rite d’intronisation chez les Sawa
Comme dans la plus part des chefferies traditionnelles africaines, la transmission du pouvoir royal chez les Sawa du Cameroun obéit à un ensemble de rituels. Ils se déroulent pendant plusieurs semaines à l’abri des regards et une fois ce cycle initiatique achevé, le nouveau monarque peut alors être présenté au public. Dénommé paousse Embamba, le rite d’intronisation du roi se déroule en cinq étapes. Il s’agit entre autre, de l’ermitage, l’onction mystique, les ablutions publiques, la remise des attributs, les insignes de pouvoir et la procession triomphale.
Une fois la Case sacrée construite par les notables, ceux-ci attendront trois jours avant d’y entrer pour préparer le nouveau roi à l’onction mystique. Aidé par les notables, le nouveau roi est vêtu d’un drap rouge, puis il est installé au milieu de la case sacrée dans un cercle formé par les initiés. À l’époque ce rituel s’accompagnait avec le sacrifice d’un être humain en guise de présent aux ancêtres. Aujourd’hui, c’est une chèvre noire qui est offerte en holocauste en lieu et place. Avant de passer au sacrifice de la bête, celui qui est chargé de diriger la cérémonie, mâche, puis fait mâcher aux autres trois variétés de jujube en nombre impair.
Le prêtre traditionnel va ensuite asperger le contenu de sa bouche sur la chèvre en prononçant des paroles. Il s’agit en effet d’un message qu’il transmet aux ancêtres par le canal de l’animal pour leur communiquer l’identité du nouveau roi. La chèvre peut alors être égorgée. Son sang est recueilli dans un vase comportant des décoctions. Ce mélange va être utilisé par tous les notables présents dans la case pour badigeonner le corps du nouveau roi. À la fin de cette séance de purification, le roi qui bénéficie dorénavant de la reconnaissance de ses ancêtres est vêtu d’un autre drap de couleur blanche.
La bête immolée est préparée dans un bouillon et servie à tout le monde. Le repas est agrémenté d’une série de danses initiatiques qui sont exécutées jusqu’au lendemain matin. La foule restée éveillé peut alors voir son roi sortir de la case sacrée. Le monarque vêtu de ses attributs royaux, un couvre-chef tissé et orné de cauris, une plume de perroquet et une épine de porc-épic, est accueilli par des acclamations et des chants traditionnels. Il reçoit devant le public, un chasse-mouche et une fibre de feuille de bananier.
Le roi est désormais pleinement investi dans sa fonction. Il peut entrer de manière triomphale dans son royaume. Ses administrés lui apportent des présents qu’il reçoit dans une hotte, Esoko en langue Duala, qu’il porte sur le dos. Au rythme des instruments de musique, le roi se déplace en allant vers la foule. Et chacun va mettre dans sa hotte un cadeau symbolique. La portée de cet acte s’explique par le fait que, le roi doit accepter les bonnes et les mauvaises choses, car durant son règne il devra faire face à de nombreux défis et il sera amené à prendre des décisions délicates.
Dibala, la fresque gigantesque de Jean Michèle Dissake Dissake, artiste plasticien camerounais et petit fils d’un grand chef Sawa, né à Yaoundé le 19 juillet 1983, raconte toutes les étapes du rite d’intronisation des chefs Sawa. L’œuvre est exposée à l’IFC de Yaoundé jusqu’au 30 Juin 2023.