1 Miser sur une bonne fin
C’est une des caractéristiques d’un écrivain qui a débuté par le roman policier : il traite ses épilogues, au risque de prendre le temps de tout mettre en œuvre, là où la mode est aux débuts très spectaculaires. « Je pense que j’ai gardé ce tropisme de mes années de roman noir, qui fait que je suis extrêmement attentif à cette progression narrative et à la fin. (…) Si vous avez lu un livre relativement médiocre, avec une fin épatante, vous avez gardé un bon souvenir. Si vous avez un livre vraiment épatant, mais une fin qui finit en queue de poisson, vous avez l’impression d’avoir lu un mauvais livre. »
2 Tordre parfois la réalité
Le fond historique d’un Lemaitre est authentique, mais les détails ne sont pas toujours exacts, tels que le déroulement d’événements historiques, les noms de lieux ou d’entreprises, etc. Le lecteur le saisit rapidement et renonce à chercher la petite bête. « Je suis un professionnel des mensonges, je suis un romancier. Je raconte et j’essaie de faire passer pour vraie une histoire qui est purement fictive (…) Pourquoi ce choix de légèrement tordre la vérité de certains faits historiques ? Pourquoi ne pas reprendre les vrais noms ? Parce que là, je vais placer les lecteurs devant un problème, parce qu’ils savent des choses, et ne vont pas arrêter d’être bombardés, d’être interrompus dans le texte. »
3 Écrire « modeste »
Depuis un certain temps, Pierre Lemaitre a abandonné la tentation de la belle formule, spacieuse et élégante, destinée aux anthologies. Il reprend une phrase du critique Jérôme Garcin : « une écriture modeste ». « L’ornementation peut être jolie. Je le vois bien dans certains livres, où j’ai l’impression que la conception que l’auteur a de la littérature, c’est de faire de jolies phrases. Il n’y a rien de plus vain. (…) Avoir une écriture modeste, c’est le fait de ne pas confier à des effets de manche le soin de raconter votre histoire. Je coupe beaucoup. »
4 S’extraire de sa vie
Chaque écrivain intègre une part de lui-même dans ses personnages. Cependant, pour Pierre Lemaitre, cela représente un piège : plus on s’intègre dans leur environnement et leur esprit, et plus on s’oublie soi-même, mieux cela se passera. Cela implique de se familiariser avec leur monde et d’avoir minutieusement défini leur personnalité. « Vous ne pouvez pas écrire un roman si vous n’êtes pas dans les personnages, avec les personnages, dans le moment que vivent les personnages. Ça vous extrait de votre vie, de vos souvenirs. (…) L’illusion romanesque au moment où vous travaillez fait que vous êtes dans un autre monde qui est quand même relativement déconnecté de votre vie »
5 Faire du feuilleton
Devant les fictions cinématographiques, le roman présente encore de nombreux avantages, en offrant davantage d’espace à l’imagination du lecteur. Son principal outil est de maintenir la tradition du feuilleton, qu’il a créée, avec son suspense, sa variété de personnages principaux et secondaires, ainsi que ses intrigues croisées. « Je réinsuffle dans le roman ce que nous, romanciers, avons prêté aux séries. (…) C’est nous, les romanciers, qui avons inventé les séries télé. Le fait d’avoir un épisode qui donne envie de regarder le suivant, la fin d’une saison qui donne envie de regarder la suivante, c’est l’art du feuilleton ».