Au cours d’une année scolaire, dans l’État de Floride, au sud-est des États-Unis, les cas de censure se sont encore une fois multipliés. Début novembre, le ministère de l’Éducation a rendu publique une liste de tous les livres retirés des rayonnages des bibliothèques dans les écoles des districts (73 au total, pour l’année scolaire 2022-2023). Les retraits effectués pendant l’année scolaire 2023-2024 sont inclus dans ce relevé précis, ce qui fait de la Floride l’un des États les plus censeurs du pays. Il s’agit de 700 ouvrages, un nombre qui a plus que doublé par rapport à l’année dernière.
La Floride fait partie d’une tendance générale. Selon l’organisation non gouvernementale PEN America, qui défend la liberté d’expression sur le territoire, plus de 10 000 livres auraient été soumis à une procédure de censure ou de retrait sur tout le territoire en 2023-2024. La société des bibliothèques aux États-Unis, l’American Library Association (ALA), ne compte pour sa part que 414 tentatives de censure, pour 1128 titres différents concernés, au cours des neuf premiers mois de l’année. Les chiffres diffèrent en raison de méthodes différentes : l’ALA se contente des censures « réelles » et réussies, relayées par les médias ou signalées par les bibliothécaires eux-mêmes.
Les 700 titres retirés des bibliothèques scolaires de Floride incluent, comme c’est souvent le cas dans ce genre de liste, Rupi Kaur avec son recueil poétique Lait et Miel (trad. Sabine Rolland, Pocket) et Margaret Atwood avec La Servante écarlate, traduit en français par Michèle Albaret-Maatsch chez Robert Laffont (et son adaptation en bande dessinée), ainsi qu’Oryx & Cra. Elle est toutefois largement devancée par Stephen King du côté des auteurs renommés : ses best-sellers sont aussi peu appréciés des censeurs qu’ils sont plébiscités dans les librairies. Sa liste du ministère de l’Éducation compte donc près de 70 mentions… Les auteurs Judy Blume, Alice Walker, Lev Grossman, Jodi Picoult, Sarah J. Maas ou encore John Green sont d’autres habitués des palmarès de la censure.
Étant donné qu’ils traitent de sujets spécifiques tels que la sexualité, les violences racistes ou sexuelles, des événements historiques complexes ou la présence de personnes LGBTQIA+ ou racisées, ces livres sont sujets à critiques aux États-Unis. Ils ne sont pas présents, sous prétexte de protection des plus jeunes, dans les fonds des bibliothèques scolaires ou publiques. Le procédé est simple : des adultes, parents d’élèves ou non, soulignent des éléments considérés comme « vulgaires » ou même « pornographiques » d’un titre, à partir d’extraits, voire d’un résumé, et cherchent à l’écarter des collections de l’établissement. Une démarche que des groupes conservateurs, tels que Moms for Liberty – qui s’engage activement contre le droit à l’avortement et les droits des LGBTQIA+ -, soutiennent et soutiennent.
L’opportunisme politique de personnalités républicaines, dont plusieurs gouverneurs d’État, s’est ajouté à ce mouvement de la sphère publique. Ce déni des compétences des bibliothécaires par des lois a été encouragé par Ron DeSantis (Floride), Greg Abbott (Texas), Brian Kemp (Géorgie), Spencer Cox (Utah) ou encore Kim Reynolds (Iowa).