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Préservation du patrimoine culturel, le Nguon ouvre la voie

Festival millenaire des peuples Bamoun, le Nguon vient d’être inscrit sur la liste du patrimoine culturel et immatériel de l’UNESCO. Comprendre les retombées de cette admission, pour les peuples Bamoun, les autres communautés camerounaises et le reste du monde.

Une démarche bénéfique à plus d’un titre. L’inscription du Nguon au Patrimoine Culturel et Immatériel (PCI) de l’UNESCO permettra désormais, une plus grande visibilité du PCI dans le royaume et auprès de la communauté Bamoun. Dans le cadre de la préparation de la candidature du festival pour l’admission sur cette liste, la communauté Bamoun a pris part aux activités de sauvegarde et de renforcement des capacités, à travers notamment l’atelier de renforcement des capacités organisé à Foumban du 08 au 12 mars 2022. La participation des membres de la communauté à ces différentes activités a permis la traduction des concepts-clés de la Convention 2003 en Shüpamom (la langue Bamoun) et a entraîné une plus grande prise de conscience de la nécessité de l’identification du PCI de la communauté, en général, mais aussi des éléments associés au Nguon en vue de leur transmission aux jeunes générations.  Le PCI sera désormais plus visible au sein de la communauté à travers les activités de sensibilisation, de transmission, d’inventaire ainsi que la mise en œuvre de mesures de sauvegarde.

Au plan national, l’inscription du Nguon comme premier élément du Cameroun sur la Liste représentative du PCI suscitera sans doute un plus grand intérêt des autres communautés pour la sauvegarde de leur patrimoine culturel. Plusieurs communautés camerounaises ont d’ores et déjà exprimé le souhait de voir les éléments de leur patrimoine inscrits à l’inventaire, mais aussi sur les listes de la Convention 2003. Le concept de PCI  va donc à travers cette admission, accroître sa visibilité au Cameroun.

Au plan international, l’inscription du Nguon enrichira la Liste représentative d’un rituel ayant ses caractéristiques propres qui s’exprime dans tous les domaines du PCI et qui véhicule des valeurs universelles partagées.

En outre, cette inscription contribuera quelque peu à rendre visible au niveau international le PCI présent en Afrique centrale ainsi que les rituels qui sont une forme courante d’expression du PCI dans plusieurs communautés à travers le monde.

Enfin, cette inscription contribuera à  faire découvrir au grand public les spécificités de ce rituel et les valeurs universelles qu’il porte. Elle va aider à enrichir les connaissances sur les rituels qui sont une forme d’expression du PCI. Contribuer à sensibiliser d’autres communautés dans le monde sur l’importance de la sauvegarde d’éléments similaires partagés et favoriser des relations de collaboration entre ces communautés. Susciter  l’intérêt des médias internationaux sur l’importance des rituels et du PCI, en général, dans la vie des communautés à travers le monde. Renforcer la coopération internationale et développer des partenariats pour la sauvegarde du PCI, en général, ou de certains éléments spécifiques du PCI Comme le dialogue entre les communautés, groupes et individus

Le Nguon : une tradition qui remonte à la fondation du Royaume.

La communauté Bamoun est composée de plus de 800.000 âmes, provenant d’une centaine de tribus. Ils reconnaissent tous le Nguon comme faisant partie de leur patrimoine culturel. L’origine du rituel du Nguon remonte à la fondation du royaume Bamoun, en 1394. C’est le point de convergence de tous les Bamoun qu’ils soient résidents dans le Royaume, dans d’autres régions du Cameroun ou à l’extérieur du pays. Il a de tout temps contribué à l’équilibre de cet ensemble composite en quête perpétuelle d’harmonie et de stabilité. C’est un instrument unificateur. La célébration du Nguon rassemble aujourd’hui, en plus des Bamoun, beaucoup d’autres communautés ethnoculturelles du Cameroun, d’Afrique et du monde. A chaque édition, plusieurs centaines de milliers de personnes se rassemblent à Foumban, capitale du royaume, pour commémorer ce rituel qui est pratiqué, tous les deux ans, dans tout le royaume Bamoun dont le territoire couvre le Département administratif du Noun, dans la Région de l’Ouest – Cameroun.

D’une superficie de 7687 km2, cette circonscription recouvre 17 groupements et 266 villages abritant les tribus constitutives de la communauté Bamoun, lieu de départ des rituels. Dans cet espace sont disséminées 138 unités de la société secrète assurant l’animation du Nguon. A l’image de certaines célébrations pratiquées par d’autres communautés du Cameroun, dont le Ngondo chez les Sawa et le Ngnan-Ngnan chez les voisins Fussep, le Nguon est un élément culturel identifiant et vivifiant de l’âme et de la conscience collective des Bamoun.

Le Nguon : un puissant instrument de Gouvernance.

Le Nguon crée une gouvernance vertueuse, renforce la cohésion sociale et les capacités de résilience de la communauté. Il promeut le dialogue intra et extra communautaire. Dès l’annonce officielle de la tenue du Nguon, les membres des différents corps de métiers convergent au Palais de Foumban, présentent et offrent au Mfon (Roi) leurs meilleures productions. Une partie de ces produits est redistribuée, et un stock de denrées constitué pour les périodes difficiles. Les meilleurs producteurs sont primés.

Au même moment, dans les villages, les chefs rituels du Nguon (Fonanguon) consultent les membres de la communauté sur l’état du royaume. Porteurs des opinions recueillies, ils font leur entrée en secret au Palais, et la nuit,  le vendredi convenu. Les Fonanguon s’entretiennent avec le Mfon. Ce pèlerinage marque le couronnement de la célébration du Nguon qui s’étendra jusqu’au dimanche.

Le samedi, le Mfon reçoit les médecines traditionnelles collectées dans le royaume par les chefs rituels du Nguon afin de les mettre à la disposition de la communauté. Il se soumet ensuite au procès public sur son bilan de gouvernance. Devant le trône et toute la communauté, le justicier du royaume (Tâ-Ngu) plante deux lances, marquant la levée de l’immunité royale et le début du procès. Les chefs rituels du Nguon prononcent les réquisitoires tirés des opinions recueillies dans la communauté ; réquisitoires sanctionnés par un verdict dont l’exécution est confiée aux notables intronisateurs. Des amendes peuvent être infligées au Mfon. Il peut même être destitué. Si la sentence lui accorde un nouveau mandat, il prononce un discours de réinvestiture et reçoit le renouvellement des allégeances. S’ensuivent des réjouissances populaires qui culminent le dimanche, par une grande marche carnavalesque Sho’ Melue, vers la porte des tranchées et le retour triomphal au Palais.

 

Written by Didier Denguel

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