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Quand la littérature célèbre Noël

A quelques jours du 25 décembre 2024, revue des textes ayant célébré la naissance de Jésus-Christ et l’espérance qui en constitue la ferveur depuis plus de 2000 ans aux quatre coins du monde.

  • Victor Hugo, le dispendieux

«Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers (…) des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles ».C’est en ces mots que s’exprimait Victor Hugo en 1862 dans la préface des Misérables. Dans cet extrait, on retrouve l’ancien forçat Jean Valjean qui, la veille de Noël, vient porter secours à la jeune Cosette. Générosité qui se poursuit dans les lignes suivantes:

« L’homme se relevait et allait s’en aller lorsqu’il aperçut au fond, à l’écart, dans le coin le plus obscur de l’âtre, un autre objet. Il regarda, et reconnut un sabot, un affreux sabot de bois le plus grossier, à demi brisé et tout couvert de cendre et de boue desséchée. C’était le sabot de Cosette. Cosette, avec cette touchante confiance des enfants qui peut être trompée toujours sans se décourager jamais, avait mis, elle aussi, son sabot dans la cheminée. C’est une chose sublime et douce que l’espérance dans un enfant qui n’a jamais connu que le désespoir. Il n’y avait rien dans ce sabot. L’étranger fouilla dans son gilet, se courba et mit dans le sabot de Cosette un louis d’or. Puis il regagna sa chambre à pas de loup. »

  • Paul Claudel, l’énigmatique

L’auteur du Soulier de Satin et de L’Échange, dans son ouvrage Contacts et circonstances, publié en 1940, relate la révélation mystique qui a conduit à son retour à la religion le 25 décembre 1886. Dans L’annonce faite à Marie, le dramaturge chrétien Claudel racontera d’ailleurs le miracle réalisé par la pieuse Violaine Vercors. La jeune femme sacrifie sa vie le jour de Noël afin de sauver l’enfant de sa sœur Mara:

« J’avais complètement oublié la religion et j’étais à son égard d’une ignorance de sauvage. (…) Tel était le malheureux enfant qui, le 25 décembre 1886, se rendit à Notre-Dame de Paris pour y suivre les offices de Noël. Je commençais alors à écrire et il me semblait que dans les cérémonies catholiques, considérées avec un dilettantisme supérieur, je trouverais un excitant approprié et la matière de quelques exercices décadents. C’est dans ces dispositions que, coudoyé et bousculé par la foule, j’assistai, avec un plaisir médiocre, à la grand’messe. Puis, n’ayant rien de mieux à faire, je revins aux vêpres. Les enfants de la maîtrise en robes blanches et les élèves du petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet qui les assistaient, étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. J’étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable.»

  • Charles Dickens, le ritualiste

A Christmas Carol (Un chant de Noël) est certainement l’une des œuvres les plus célèbres de Charles Dickens. Ce conte à la fois onirique et moral relate l’acariâtre vieillard Scroodge qui reçoit, la nuit de Noël, la visite d’esprits qui cherchent à rétablir dans son cœur desséché l’esprit de famille, l’amour et la charité. Dans cet extrait, l’un des esprits présente à Scroodge, qui est dubitatif, une veillée de Noël dans la famille de son pauvre employé Bob Cratchit:

« Enfin, le dîner achevé, on enleva la nappe, un coup de balai fut donné au foyer et le feu ravivé. Le grog fabriqué par Bob ayant été goûté et trouvé parfait, on mit des pommes et des oranges sur la table et une grosse poignée de marrons sous les cendres. Alors toute la famille se rangea autour du foyer en cercle, comme disait Bob Cratchit, il voulait dire en demi-cercle : on mit près de Bob tous les cristaux de la famille, savoir : deux verres à boire et un petit verre à servir la crème dont l’anse était cassée. Qu’est-ce que cela fait ? Ils n’en contenaient pas moins la liqueur bouillante puisée dans le bol tout aussi bien que des gobelets d’or auraient pu le faire, et Bob la servit avec des yeux rayonnants de joie, tandis que les marrons se fendaient avec fracas et pétillaient sous la cendre. Alors Bob proposa ce toast : « Un joyeux Noël pour nous tous, mes amis ! Que Dieu nous bénisse ! » La famille entière fit écho. « Que Dieu bénisse chacun de nous ! », dit Tiny Tim le dernier de tous. »

  • José Mauro de Vasconcelos, l’attristant

Dans son roman Mon bel oranger, qui est en partie autobiographique et devenu un classique de la littérature lusophone, José Mauro de Vasconcelos raconte les aventures du jeune et miséreux « Zézé », un enfant des rues brésiliennes. Le matin de Noël, le petit garçon s’éveille dans l’espoir d’avoir reçu un présent:

« À peine éveillé, j’appelai Totoca.

« On va voir ? Je te dis que j’aurai quelque chose.

– Moi je n’irais pas voir.

– Si, j’y vais. »

J’ouvris la porte de la chambre. À ma grande déception les sandales de tennis étaient vides. Totoca s’approcha en se frottant les yeux.

« Je ne te l’avais pas dit ? »

Un mélange de haine, de révolte et de tristesse s’éleva de mon âme. Sans pouvoir me contenir je m’écriai :

« Quel malheur d’avoir un père pauvre !… »

Je détournai les yeux de mes sandales de tennis et je vis des galoches arrêtées devant moi. Papa était debout et nous regardait. Ses yeux étaient immenses de tristesse. On aurait dit que ses yeux étaient devenus si grands qu’ils auraient pu remplir tout l’écran du cinéma Bangu. Il y avait une douleur si terrible dans ses yeux que s’il avait voulu pleurer il n’aurait pas pu. Il resta une minute qui n’en finissait plus à nous regarder puis sans rien dire il passa devant nous. Nous étions anéantis, incapables de rien dire. Il prit son chapeau sur la commode et repartit dans la rue. »

 

 

 

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