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Salon du Livre d’Alger: Gallimard non grata !

Du 6 au 16 novembre, la 27e édition du SILA aura lieu dans le Palais des expositions des Pins maritimes d’Alger. Certes, une manifestation à caractère international qui impose une fois de plus la présence des maisons d’édition. Sauf une, et pas des moindres: Gallimard.

Chaque année, il arrive son lot d’éditeurs censurés, bannis ou interdits, et parfois même d’ouvrages. Gaillimard est donc la blacklistée de cette édition 2024. « Nous apprenons tout juste que la présence au salon d’Alger est interdite », déclare Antoine Gallimard, propriétaire de cette maison d’édition dans un échange avec nos confrères du site d’actualité littéraire ActuaLitté. « Nous avons récemment reçu une lettre qui ne donne aucune explication concernant les motivations ou les raisons derrière cette décision. », poursuit – il.

« O tempora, o mores », déclarerait Cicéron : en 2015, le SILA honorait la France. Selon le commissaire général Hamidou Messaoudi, les problèmes de censure étaient alors considérés comme du passé. Parmi les environ 30 000 livres exposés il y a dix ans, uniquement une centaine était réservée — 126 étaient rigoureusement prohibées. Cela s’explique par leur atteinte « aux symboles de l’État et leur apologie du terrorisme, de la violence et du racisme ».

Imaginez-vous de tels livres dans le répertoire de la maison Gallimard ? Bien sûr, non. Il se peut que la publication du roman le plus récent de Kamel Daoud, Houris, paru mi-août dernier, ne soit pas non plus à négliger. Il est évident que les relations entre le pays et l’auteur ne sont pas idéales, mais cela va jusqu’à interdire toute une maison, qui reste néanmoins fidèle à la situation… De plus, son ouvrage attire l’attention des jurys du prix Goncourt pour 2024, qui le maintiennent dans la seconde catégorie. « On peut tout envisager, en attendant que leur lettre ne fournisse pas de détails. » « Par solidarité, le groupe Madrigall décide de ne pas se présenter au SILA », pense le dirigeant de la holding Madrigall. En somme : ni Flammarion, Casterman ou toute autre organisation ne sera présente.

Une fiction, un pays

Dans Houris, Kamel Daoud offre une réflexion inédite (provocatrice) sur le statut des femmes dans l’islam et les communautés musulmanes. Il explore également le mythe des houris, ces sanctuaires célestes qui ont promis aux croyants en l’au-delà. Il se pose des questions sur le fantasme et la réalité des femmes arabes actuelles, en abordant également des thèmes délicats comme l’obsession pour la virginité, la sexualité ou encore la moralité religieuse. Cette guerre civile, qui a débuté en 1992 et est désignée sous le nom de Décennie noire, met en scène le gouvernement face aux groupes islamistes radicaux. Un thème n’est pas anecdotique.

Plusieurs sociétés arabes post-coloniales ont vu une augmentation de l’islamisme dès les années 1980 et des conflits sociétaux associés aux révoltes arabes du début des années 2010. Dans plusieurs nations du Maghreb et du Moyen-Orient, les discussions sur le rôle féminin et la religion ont gagné en popularité, particulièrement grâce au développement des mouvements féministes locaux et aux combats contre le patriarcat. Kamel Daoud, originaire d’Algérie, insère son roman dans ce récit, en mettant l’accent sur les excès religieux qui entravent la liberté féminine.

Réactions

Houris est une sorte d’essai philosophique transformé en roman par l’auteur, réputé pour ses critiques sévères sur l’islamisme et ses déclarations controversées. Dans ce roman, la fiction sert d’excuse pour des pensées profondes sur la situation des femmes et la liberté dans des communautés où la religion influence considérablement les comportements. Daoud examine la tension entre l’idéalisation des femmes et leur vie quotidienne en incarnant des personnages marqués par la répression et la recherche de signification.

L’International Publishers Association (IPA), une organisation internationale qui rassemble les associations d’éditeurs depuis Genève, a aussi pris la peine de condamner ce contexte. L’IPA se présente comme « inquiète de la suppression de Gallimard de la Foire du livre d’Alger ». Kristenn Einarsson, qui préside le Comité pour la liberté de publication de l’IPA, a exprimé son inquiétude en déclarant que les éditions Gallimard ont subi une réduction unilatérale de leur accès au Salon du livre d’Alger. « Cela transmet un message préoccupant concernant la situation de la liberté d’expression en Algérie. »

 

 

 

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