Pendant une heure et quinze minutes, la fille de Nkol-Amougou par Biyong Bene dans le Sud Cameroun a tenu le.public en respect. Une belle brochette de sept chansons. Entre rapsodies traditionnelles, évocation aux ancêtres, préjugés, pouvoir, amitié, trahison et amour, la petite fille de l’homme de Culture Engelbert Mveng, nous a baladés entre les cimes de la forêt profonde et les enclaves sonores des rythmes négroïdes Bossa Nova, Jazz et urban Pop.
Mveng ouvre son spectacle en backstage, sa voix oscille entre onomatopées et invocation. Pendant près de deux minutes, son orchestre, constitué de cinq instrumentistes – guitariste rythmique, bass, Synthé , percussions, batterie – s’exécute sur un tempo binaire de claquement de main. Le public prend le relais. La Reine fait enfin son apparition et l’accapela cède la place à un break musical. Estel a le dos tourné. La guitare annonce la mélodie du premier titre à interpréter : << Eding>>. Une ballade qui traduit les péripéties et ravages de l’Amour « dzom ene eding di, sa ki te fianga ». L’orchestration enrobe le chant et les deux produisent un nectar auditif impressionnant.
L’espace de spectacle se situe en dessous de la mezzanine entre la cafète, la devanture de la salle d’ateliers. La trentaine de chaises affrétée pour la circonstance n’a pas fait l’affaire. On a dû en rajouter car le quorum a été atteint vers 19:15. « Je fais beaucoup dans le social », a-t-on entendu dire après la première chanson Eding.
Après la deuxième chanson, la Reine Mveng déclare : << je fais beaucoup dans le social, faites parler votre cœur […] Cet argent permettra de soutenir des enfants en difficulté>>
Le mercure monte d’un cran avec Ane Mininga, la chanteuse décrit dans la chanson avoir fait l’objet de frustration et stigmatisation par une femme. Faut dire qu’on est toujours dans une ballade musicale. Le groove s’intensifie entre trémolo et transposition pour transmettre les différentes émotions chantées. La foule est à la fois médusée et disphorique. Chaque note joue avec la sensibilité des paroles. On dirait une contre-féministe. Une richesse lyrique qui pourrait donner matière à réflexion et thème d’écriture d’un ouvrage.
La troisième chanson A kégué vient donner un point d’honneur à l’ancestralité. Une belle écriture musicale. Mveng précise d’ailleurs au public que les siens (ancêtres) sont là en ce moment et que ceux qui ont les yeux les voient. Elle les invoque et évoque nommément. Une jeune dame dotée d’une bonne ossature initiatique. Comment ne peut-on pas voir la mutation de la voix lorsqu’elle scande ses ancêtres, car elle fond en larmes, on dirait qu’elle rentre véritablement en transe. Mveng en spectacle a la singularité de vous transposer du monde matériel au monde transcendantale car c’est sa marque de fabrique, de par les émotions chantées qu’elle véhicule.
Des moments où le public ne s’ennuie guère. La langue Kolo employée dans ses chansons ne devient plus un frein linguistique parce qu’on se connecte à la musicalité ambiante.
Man mot par contre, très enlevé, sous fond techno et pop music vient requinquer l’auditoire. Une bonne dose de décibels distillés par l’orchestre engrange l’euphorie. On peut alors voir des gens bouger à partir de leurs sièges. La guitare rythmique donnée à écouter des phrases Rock, le synthé et la batterie règlent le tempo et la bass groove fort. Ambiance nightclub dans un spectacle vivant de quoi déclencher la dopamine.
On est sensiblement à trois quart d’heure lorsque la chanteuse annonce les Seigneurs de par le rythme et la filiation Ekang. Titre semi galvaudée du fait de l’histoire de la chanteuse. On lui a collé l’étiquette de péripatéticienne trivialement désigné en langue ancestrale par Ebamba. Il s’agit d’une mauvaise interprétation. Alors qu’elle fut étudiante, des personnes vont rapporter à ses grands-parents qu’elle a abandonné les études (autrefois étudiante en droit à l’université de Ngaoundéré Ndlr) au profit de la musique. Comme toujours voire à une certaine époque, le choix de la musique comme métier était considéré comme un échec et partant un boulevard de la grosse débauche. Elle relève le défi en obtenant sa licence en droit. Et dira plus tard à ses grands-parents qu’elle est Ebamba » de la musique, des rythmes musicaux : Jazz, Folk, Pop et autres variantes.
<< Bore>>, du bon spectacle à voir, la maîtrise chorégraphique des danseurs. Deux jeunes hommes aux parures très originales : plumage colorié, perles et accessoires de danse. Ils exécutent des pas de Bikutsi, d’Ewanga, Mengan et d’Ozila entre autres.
La chanteuse MVENG donne rendez-vous au public en Juin pour l’Escale Bantu et dans un avenir proche au Musée Ethnographique du Dr Fouda.
Une valeur sûre de la chanson camerounaise à suivre de très près.